La daurade royale et le con glorieux

La daurade royale au four me semble n’avoir rien de royal avec son goût prononcé d’oignons et de vin blanc insipide. Le tigre royal, lui non plus, n’a rien de royal avec son air de brute épaisse qu’on n’a pas envie de rencontrer la nuit dans la forêt quand il a faim. Mais le con glorieux, alors là ! Oui ! le con glorieux peut être qualifié de royal, car il sait tout ! Il sait même mieux que vous ce que vous devez penser, voter, ressentir… Il sait mieux que vous qui vous êtes et ce qui est bon pour vous…

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Ce guide-acteur interprétait à la perfection son rôle d’abruti !

Voici quelque temps, j’ai rencontré un con royal. Et là, j’ai compris pourquoi il fallait accoler l’adjectif royal au nom. Indispensable ! Car il était beau, magnifique, sublime, grandiose… Impressionnant. Un être exceptionnel. Il s’était présenté en me tendant sa main molle et moite et avait annoncé un Jean-Gontrand du bout de sa bouche arrondie en cul de poule. Cela donnait à sa goule une forme courbe qui tirait vers le bas les extrémités de ses lèvres en un sinistre rictus surligné par les longs poils de sa moustache 1900. Au-dessus de cette bacchante, un petit nez ridicule était comme suspendu sous des yeux vides et absents. Sa première phrase fut :
— Comme je dis toujours, j’ai plaisir à faire connaissance de personnes nouvelles, car nous ne nous connaissons pas, je crois.
Effectivement, nous ne nous connaissions pas, car malgré ma prosopagnosie assez marquée, celui-là, je l’aurais reconnu à des kilomètres ! En effet, il était inoubliable !
— C’est vrai, répondis-je fort à-propos, nous ne nous connaissons pas.
Il enchaîna immédiatement :
— Alors, j’ai plaisir à faire votre connaissance. 
Je me fendais d’un
— Plaisir partagé, qui ne mangeait pas de pain !
Ce con prit l’initiative de la discussion :
— Figurez-vous que je me suis fait arrêter en venant ici parce que j’avais grillé un stop. J’ai eu beau démontrer en long, en large et en travers, que personne ne marque jamais ce stop imbécile, les gendarmes m’ont enlevé 4 points et m’ont contraint à payer une amende de 90 €. Cette maréchaussée est conne à un degré incroyable !
Expliquer à des flics qu’un stop est ridicule ! Sûr de lui, ce con ! Me revint à ce moment-là en mémoire cet aphorisme « le doute rend fou, la certitude rend con » et bien entendu cette inévitable réplique d’Audiard : « les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. » Si la bêtise a des degrés alors le spécimen en face de moi atteint les sommets. Ce n’est certainement pas encore le connard suprême, maître en art de la connerie, mais il ne va pas tarder à tenter le titre mondial ! Pour relancer la conversation qui me semblait pouvoir devenir passionnante, je jetais en pâture à cet énergumène :
— Ah ! Notre permis de conduire est bien peu de choses ».
— Tout comme nous, mon cher, tout comme nous. Un ami de mon fils vient de se tuer en voiture. Je savais que cela allait se produire, je l’avais prédit !
Ce besoin de se montrer meilleur que les autres en ayant prévu, après coup, ce qui est arrivé aux personnes de son entourage, signe le con dur, le vrai, l’authentique, le con sans partage.
— Comme je dis toujours, on a que ce qu’on mérite !

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Ben voyons ! Celui-là ; sa devise doit être : « con un jour, con toujours ! » Et puis, pourquoi faire référence à des auteurs connus comme Platon, Descartes, Voltaire, Hugo, Zola, etc, lorsqu’il est beaucoup plus simple de se citer soi-même ? Peut-être les phrases sont-elles légèrement moins intéressantes ! Et encore ! Pas sur, avec des phénomènes pareils ! La preuve : mon connard enchaîne :
— Mais pourquoi y a-t-il autant de cons ?
Et, oui ! Pourquoi ? Je réponds sans réfléchir, mais en le regardant droit dans les yeux, comme quoi on peut être con sans le vouloir :
— Je pense qu’ils se multiplient en ce moment !
Phrase à laquelle il réplique par un :
— J’étais sûr que vous alliez me dire ça !
Puis, il ajoute aussitôt sans prendre de respiration :
— Il n’y a pas de fumée sans feu, les cons sont parmi nous !
Je suis atterré, anéanti par le niveau atteint par notre conversation. Je tente un « faudrait les soigner » auquel répond un péremptoire :
— Vous plaisantez, j’espère ! Faudrait tous les tuer !
Comme on est toujours le con d’un autre, il ne resterait pas grand monde sur terre ! Les méfaits produits par la connerie peuvent être infinis. Voulant voir jusqu’où nous pouvions aller, je rétorque sournoisement :
— Ce serait dommage, certains blogs d’internet auraient beaucoup à perdre.
— Nous sommes faits pour nous entendre ! C’est exactement ce que j’ai écrit dans un blog récemment, car des internautes m’avaient énervé.
— À quel propos, si ce n’est pas indiscret ?
— Ce n’est pas indiscret ! C’était à propos de la tuerie dans une mosquée juive américaine. Bien sûr qu’il faut armer les pasteurs pour qu’ils puissent se défendre.
Je souris, mais in petto, je pleure de rire ou bien alors je ris en pleurant, je ne sais plus. Mais sa dernière sortie sur la mosquée juive me plie en deux comme cette inscription que j’avais lue sur une porte de toilettes verrouillées de l’intérieur  : « cabinets occupés, expulsion en cours ! »
Encore quelques années de travail acharné et d’études supérieures en connerie et ce con-là va atteindre le niveau jamais égalé de Trump.
Soudain, je prends peur en me souvenant de la remarque du neurologue Pierre Lemarquis : « Un con vous entraîne avec lui dans sa spirale délétère : il scie la branche sur laquelle votre accord vous a conjointement placés. » Mais je me marre trop, je reste et j’écoute.
— Peu importe les mots, pour moi, l’essentiel est de pouvoir se défendre par les armes pour éradiquer la violence.
Mais jusqu’où ira-t-il ? Ne s’arrête-t-il jamais ? Son discours n’est qu’un tissu d’âneries.
— Vous ne craignez pas que si le rabbin, le pasteur, le curé, les professeurs se mettent à tirer sur ces individus souvent déséquilibrés alors la violence va exploser de manière incontrôlable. Ne risquons-nous pas de vivre dans un climat d’insécurité permanente avec toutes ces armes en plus ?
— Ce climat sera provisoire. Lorsque ces cons comprendront qu’ils vont se faire abattre dès qu’ils apparaîtront, alors ils se cacheront et nous aurons la paix. Croyez-moi, c’est vraiment la solution.
Eh oui ! Le con royal présente ses conneries comme des perles de sagesse, un peu comme si lui seul savait réfléchir sereinement et correctement. En quelque sorte, le con se déguise en professeur !
« De même que les pseudosciences endossent les habits de la science tout en la méprisant, de même que les fake news se présentent comme des informations fiables et vérifiées tout en conspuant la presse officielle, et de même que les théories du complot cherchent à se faire passer pour des investigations rigoureuses et soucieuses de faire éclater la vérité, mais sans jamais fournir le moindre effort en ce sens, la connerie ne peut survivre et prospérer que si elle prend l’apparence de ses plus grands ennemis : à savoir la raison, la connaissance et la vérité. »

L’empereur des cons