Dialogues fictifs

Dialogues fictifs

Après ma dernière opération du cœur, je trouve que les produits anesthésiants ont le pouvoir de générer des rêves bizarres. Je ne sais pas trop que penser de cette scène de théâtre dont j’ai rêvé une de ces nuits d’après intervention et qui me semble reprendre nombre de phrases cultes de films. Pour ma part, sans en être certain, je situerai ce dialogue en avril 2017.

Le petit Nicolas :

Parce que j’aime autant vous dire que pour moi Monsieur François, avec ses costards tissés en Écosse et offerts par un ami, ses boutons de manchettes en or et ses pompes à l’italienne, et ben c’est rien qu’un demi-sel. Et là, je parle juste question présentation. Parce que si je voulais me lancer dans la psychanalyse, j’ajouterais que c’est le roi des cons.

Le grand Alain :

Ça, c’est sûr ! Votre ami François, maintenant, ses grands airs, il peut se les cloquer dans le baba !

Le gros Gérard :

Mes chers amis, nous savons bien que pour durer en politique, nous devons bâtir notre vie de façon à éviter les obstacles en toutes circonstances. Alors qu’est-ce qu’il est allé tricoter avec un baveux marron, un avocat des mouches, tout ça pour un joli costard à 6 000 € qui fera quand même des tâches dessus en mangeant parce que le François, pour baver, il bave !

Le petit Nicolas :

T’es dans le vrai, mon Gérard, je connais son honnêteté au baveux mais je connais aussi mes classiques. Depuis Adam se laissant enlever une côte jusqu’à Napoléon attendant Grouchy, toutes les grandes affaires qui ont foiré étaient basées sur la confiance ! On croit rêver ! Faire confiance à un avocat de la balle et en plus un mec à la redresse de la Françafrique !

Le grand Alain :

Et il dit même pas merci !

Le petit Nicolas :

Benjamin Constant disait : “Il faut remercier les hommes le moins possible parce que la reconnaissance qu’on leur témoigne les persuade aisément qu’ils en font trop !” C’est une poire ! Il m’a bien fait confiance, à moi !

Le gros Gérard :

Faire confiance aux honnêtes gens est le seul vrai risque des professionnels de la politique !

Le petit Nicolas :

Pourtant, il blanchit sous le harnais, hein, notre François ! Trente ans de politique et pas un accroc. Un mec légendaire quoi. Les gens de sa partie l’appelaient Monsieur François et enlevaient leur chapeau rien qu’en entendant son blaze. Une épée, quoi ! Et là, en trois mois, il nous gâte le métier…

Le gros Gérard :

C’est un grand con…

Le petit Nicolas :

Un gabarit exceptionnel ! Si la connerie se mesurait, il servirait de mètre étalon ! Il serait à Sèvres ! Le gros Gérard : Vous savez quelle différence il y a entre un con et un voleur ? – – Non. – – Un voleur de temps en temps ça se repose.

Le grand Alain :

Voilà ce que c’est de ne pas avoir voulu reconnaître mon talent !  Vous avez voulu favoriser la réussite des médiocres ! Et en plus, il est toujours en retard !

Le petit Nicolas :

Le roi des cons ! Et encore les rois, ils arrivent à l’heure. Parce que j’en ai connu moi, mon cher Alain, des rois, et puis pas des petits. Les Hanovre, les Hohenzollern, les Windsor. Rien que du micheton garanti croisade. Pas des gens à se faire gauler pour exhiber un costard «offert» !

Le gros Gérard :

Le Bon Dieu aurait pu le faire honnête. T’as de la chance : il l’a épargné.

François : (arrivant enfin) :

Oh là ! Mais attention Messieurs, hein ! Qu’est ce qui se passe ? J’ai l’impression que vous êtes en train de me monter un turbin : vous voulez boucher les trous !

Le petit Nicolas :

T’es pas fou, non ? On t’a élu, on t’a élu !

François :

Ah non, je ne suis pas fou ! Et puis pas fou du tout, même ! Mais qu’est-ce qui fait là, l’autre grand ? Si  vous voulez me faire jongler vous n’aurez pas beau chpile, c’est moi
qui vous le dit ! Votre gugusse, là, il était pas dans l’inventaire, d’où sort-il ? Second qu’il dit ! Avec moi, c’est comme avec la Coupe de l’América : « y’a pas de second »

Le gros Gérard :

Écoute François. Je crois qu’il faut être franc. On voulait te faire une surprise.

François : (En filant une torgnole au gros Gérard)

Et ça c’en est une de surprise ? Faire une surprise ! vous vouliez me repasser, oui ! Et avec un zigue à démaquiller, encore !

Le grand Alain : (en aparté et en sortant de scène) :

Les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît !

Le petit Nicolas :

Faut reconnaître qu’en ce moment tu baloches dur, et devant tout le monde, encore ! Du service de l’État, on est passé au service du pouvoir. D’accord, Quand on parle pognon, à partir d’un certain chiffre, tout le monde écoute.

François :

Tu t’agites ! Tu t’énerves ! T’as les tics et les tocs qui te reviennent !

Le petit Nicolas : 

Mais pourquoi j’m’énerverais ? Monsieur joue les lointains ! D’ailleurs, j’peux très bien te claquer la gueule sans m’énerver ! Je l’ai déjà fait quand tu usinais pour moi !

François :

Aujourd’hui, c’est moi qui mène la danse ! Mais aujourd’hui je veux être bon prince  les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes d’action. L’époque serait aux tables rondes et à la détente. Hein ? Qu’est-ce que t’en penses ? Je n’ai rien fait d’illégal ! mais l’honnêteté ça se paye.
Le petit Nicolas :

Rien d’illégal ! Mais dis-toi bien qu’en matière de légalité les juges ont tous les droits et les politiques aucun ! T’auras beau lutter à la colle, tu seras pas forcément de belle ! Et crois-moi, si quelqu’un lève son index pour te juger, lève ton majeur pour le remercier.”

François :

En attendant, j’ai les mains faites pour l’or, et elles sont dans la merde ! Entre l’intérêt national et l’abus de confiance… Qu’on me laisse m’occuper de l’intérêt national et que les juges s’occupent de l’abus de confiance, comme ça y’aura séparation des pouvoirs ! Je vais dire la vérité aux Français !

Le petit Nicolas :

La vérité c’est comme une couverture trop petite. Tu peux tirer dessus de tous les côtés, tu auras toujours les pieds froids. La justice…

François :

La justice, Nicolas, c’est comme la Sainte Vierge : si elle n’apparaît pas de temps en temps, le doute s’installe. Mais là, va falloir qu’elle se calme, la Sainte Vierge, parce qu’elle apparait un peu trop souvent !

Le petit Nicolas :

Dommage qu’elle apparaisse maintenant ! Et dire que pendant cinq ans t’as été exemplaire ! Pas un mouvement d’humeur ! Pas une colère, même pas un mot plus haut que l’autre ! Et puis d’un seul coup : crac, la fausse note, la mouche dans le lait ! Ah, je te jure que ça m’a secoué, oui !

François :

La Politique, messieurs, devrait être une vocation. Elle l’est pour moi ! Je suis sûr qu’elle l’est pour certains d’entre vous. Mais pour le plus grand nombre, elle est un métier.

Le gros Gérard :

N’en fais pas trop ! T’as toujours gagner ton artie parce qu’y avait qu’a se baisser pour la ramasser. T’as jamais fais ton beurre vraiment, à la dure !

François :

Je suis un politique, j’aime mon métier !

Le petit Nicolas : (En aparté

Pas au niveau ! En tout cas bien loin d’être à mon niveau ! Il pense qu’au beurre dans les épinards. Quand on a cette ambition-là on ouvre un bazar, on ne gouverne pas une nation.

Le rideau tombe sur cette réplique.

 

Lors de sa parution dans JP’Annemag, ce texte était illustré par deux dessins de Miss Lilou qui nous les avait généreusement offerts.

Voir ces dessins aux adresses suivantes :

Bientôt la transparence : http://dessinsmisslilou.over-blog.com/2017/02/bientot-la-transparence-totale-en-politique.html

L’H.P.G.M. : http://dessinsmisslilou.over-blog.com/2015/03/l-h-p-g-m-l-homme-politique-genetiquement-modifie.html