Les vieux campeurs

Le camping-car ne nous avait jamais tentés même si nous avions étudié cette solution pour visiter les Rocheuses et le parc de Yellowstone. Et puis, en discutant de notre futur voyage en Écosse, l’idée est venue brutalement, histoire de disposer de libertés accrues et d’autonomie bienvenue.

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Ça nous a pris d’un seul coup, en discutant de notre prochain voyage en Écosse ! Et si nous y allions en camping-car ? Faut dire que dans la famille de Jean-Pierre, des campings-caristes de tous poils, y’en a ! Des qui ont loué un camion au Canada pour traverser les Rocheuses jusqu’à Vancouver ! Des qui courent la France avec les copains des campings-cars clubs, fatigant les pleins de fuel et les bouteilles de Ricard !
Alors, pourquoi pas nous, même si le Ricard nous est désormais interdit ? Prudents, nous nous sommes presque immédiatement posé la question : sommes-nous capables de vivre à deux dans un studio roulant de 12,2795 m², cabine de pilotage et moteur compris. Prudents, nous nous sommes dit qu’il était raisonnable d’envisager un essai de cinq jours, en France. Prudents, nous édictons des règles de vie. Premièrement : pas d’arme à bord ! Deuxièmement : celui qui est fâché peut rentrer à la maison, en stop, blablacar, train toujours en retard, voire avion, bien qu’entre le plateau des Mille Vaches et Joué-lès-Tours, les lignes aériennes ne soient pas nombreuses. C’est l’histoire de cet essai fabuleux, mené en Corrèze, que nous vous contons maintenant.

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Nous avons donc loué, non loin de chez nous, à une cinquantaine de kilomètres, un magnifique fourgon aménagé : Karman Davis 590 Glam, pour les spécialistes ! Nous arrivons chez Pascale et Yves, les heureux propriétaires des 12 m² à roulettes. Nous commençons la visite, enfin, Anne à l’intérieur et moi dehors, car pas question d’être à deux, debout dans le studio mobile ! Je peux néanmoins m’installer au volant. Alors là, braves gens, mettez-vous ça dans la tête pour bien comprendre ce qu’est un fourgon : le poste de pilotage est le seul endroit normal et reconnaissable pour un être civilisé. Le volant et les pédales ont une taille normale, les commandes d’essuie-glaces et autres machins servant à conduire, aussi. Je peux même affirmer que les pochettes de portières sont surdimensionnées ! Fallait bien trouver un truc un peu plus grand que la normale ! C’est un camion, quand même !
Lorsqu’Anne descend du camping-car, je peux enfin monter à bord, côté habitable, si j’ose en la circonstance, utiliser ce vocable. Malin et rapide comme je suis, je monte quatre à quatre les marches. Je suis immédiatement coupé dans mon élan, car, d’une part, il suffit de deux marches pour arriver sur le palier de l’entrée et d’autre part, je me cogne à l’immense table de la salle à manger : 99×59 cm. Ça y est, pensais-je immédiatement, je suis de l’autre côté du miroir, dans un monde de lilliputiens. Ayant parcouru… des yeux la salle à manger je me tourne alors vers ma gauche et je fais un demi-pas. Chouette, je suis dans la cuisine ! Pratique la cuisine, vous pouvez pas savoir. Elle est parfaitement agencée : l’élément qui contient la vaisselle est au-dessus des deux feux et de l’évier. Tout est sous la main ! pas un pas de trop à faire. C’est complètement rationnel. Mais il faut anticiper. Par exemple quand vous faites cuire quelque chose dans la sauteuse vous ne pouvez plus porter d’épluchures au sac poubelle accroché à l’accoudoir droit du fauteuil passager, car le chemin est barré par le manche de la poêle. Faut juste prévoir l’ordre des actions.

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A Uzerche, notre fourgon, au loin, se repose des kilomètres parcourus

Autre exemple, si vous souhaitez vous laver les mains dans l’évier avant de cuisiner, il faut le faire l’une après l’autre, car vos deux paluches ne rentrent pas en même temps sous le robinet. Sous l’évier se trouve un placard gigantesque très bien aménagé avec un tiroir. Il faut seulement savoir que pour l’ouvrir, il vous faut faire un demi-pas sur votre gauche pour vous retrouver dans l’entrée, car le recul n’existe pas sauf à ouvrir la porte coulissante du cabinet de toilettes-w.c.-douche, lui aussi très bien conçu. Certes, il faut mettre au point une tactique pour entrer dans cette « pièce » faire pipi la nuit, sans bruit. Ben, oui, vous moquez pas, les envies de pipi la nuit, ça existe. D’accord, des fois c’est trop tard, mais là, dans le camping-car, non. Donc une fois que vous êtes sorti du lit et que vous êtes debout face à la porte, vous vous collez le dos au frigo – sage précaution pour éviter de faire pipi dedans – vous avez alors, assez de recul pour faire coulisser la porte. Une fois ouverte vous vous collez à elle, puis vous glissez légèrement sur votre droite. Dès que vous sentez un vide, vous rentrez le bras droit, votre main droite, celle du même bras, vient immédiatement se coller à la paroi contre laquelle vous êtes, mais de l’autre côté. Vous pouvez alors amorcer une subreptice rotation à 90° dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, ce qui fait rentrer la moitié de votre corps dans ladite pièce. À partir de maintenant, il convient de bien coordonner les mouvements. Dans le même temps, vous faites un autre quart de tour, toujours dans le même sens, sinon vous ressortez et tous vos efforts seraient perdus, vous faites un autre quart de tour donc, tout en saisissant la porte coulissante de la main droite pour la fermer. Vous êtes dans les w.c., mais face à la porte fermée. Un dernier 90° gauche vous place dos à la cuvette. De la main gauche, vous empoignez le lavabo situé sur votre arrière gauche que vous faites coulisser vers l’avant tout en décalant vos hanches à droite en un O’Goshi d’anthologie, tandis que de la dextre vous soulevez le couvercle des toilettes. (ben, si vous ne le soulevez pas, autant pisser dans le lit.) Vous pouvez vous asseoir après avoir baissé votre pantalon de pyjama ce qui vous fait, immanquablement, vous cogner la tête contre la cloison qui vous fait face. Remarque : il est strictement interdit de faire pipi debout, car déjà que la moitié du temps vous n’êtes pas foutu de viser correctement à l’intérieur d’une lunette normale, c’est pas pour prétendre, dans le noir, viser correctement un trou grand comme une lentille de contact ! Et puis, vous n’êtes pas dans le bon sens ! Mais ce n’est pas fini, la délivrance n’est pas loin, certes, mais il vous reste à ouvrir la trappe avec votre main droite. Enfin, vous pouvez vous soulager en pensant bien à repousser votre instrument à l’intérieur de l’orifice prévu à cet effet, car les dimensions de la cuvette ont tendance à vous repousser à l’extérieur. Faut pas exagérer non plus, pas besoin d’un entraînement de cosmonaute ! Bien que, à la réflexion, la caméra installée dans les toilettes de l’ISS, ²fournissant une vue imprenable et totalement inconnue de vous sur votre postérieur et permettant de parfaitement centrer la cuvette ne serait pas inutile au cas où, emporté par votre élan d’autres envies pressantes vous viennent. La sortie des lieux se fait dans l’autre sens, mais à l’envers. Reste plus qu’à vous recoucher.

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Le couloir faisant 56 cm de large, vous progressez de profil. Inutile d’espérer placer les mains dans les poches de votre pyjama et de revenir au lit d’un air décontracté en sifflotant, de face, ça ne passe pas, même sans les mains dans les poches ! Lorsque vous rencontrez le lit avec vos genoux, situé à un mètre du sol, s’asseoir dessus, reculer au maximum les fesses sans heurter votre partenaire endormie à l’autre bout de la couche de 140, mais qui, en votre absence, s’est mise en travers. Puis, vous basculez en arrière jusqu’à ce que vos jambes à l’équerre puissent rejoindre la chambre. Alors, en un élégant mouvement de rotation suivi d’une non moins élégante reptation vous remontez les fesses en direction de votre oreiller afin de pouvoir allonger les jambes sans péter la fenêtre qui vous fait face. Tout cela, vous le comprenez fort bien, nécessite une souplesse et une délicatesse, apanage des gens de notre âge !
L’expérience valait d’être vécue ! Sommes-nous devenus camping-caristes ? Pas certain ! Toutefois, même si nous n’en n’avons pas encore décidé, la tentation est grande de faire ce voyage en Ecosse en fourgon. Les trois jours d’autonomie devraient permettre de profiter pleinement des paysages sauvages capables de nous accueillir avec le matériel photo. Mais quid en cas de pluie britannique. Saurons-nous rester cloîtrés dans notre fourgon en attendant une éclaircie ?

Anne et Jean-Pierre

5 top secrets pour se supporter en fourgon

1. Ne pas se croiser avant d’aller chercher quelque objet que ce soit, à l’arrière du fourgon, bien s’assurer que la voie est libre afin de ne pas se retrouver coincé entre les cloisons.
2. L’un fait la cuisine et la vaisselle pendant que l’autre bouquine. Le seul endroit où la seconde personne ne gêne en rien la première est la place du conducteur. Donc, Anne cuisine et fait la vaisselle pendant que je bouquine.
3. Prendre la douche l’un après l’autre, même en cas de vouloir se laver le dos réciproquement. L’espace douche est beaucoup trop réduit pour que vous puissiez laver le dos de votre partenaire, sauf en cas d’urgence absolue, auquel cas il convient de voir votre partenaire se mettre debout sur la cuvette des w.c. en courbant fortement la tête.
4. Ne pas inviter les voisins de camping-car à l’apéro par temps de pluie. Si vous avez invité les dix camping-cars voisins à venir prendre l’apéro chez vous et qu’il se met à pleuvoir, décommandez impérativement !
5. Ne pas se coucher le premier si vous dormez côté couloir. À moins que vous n’aimiez voir votre partenaire vous labourer les côtes de ses genoux en passant par-dessus vous lorsqu’elle va vouloir se coucher.