Médecine et sciences

La découverte des secrets admirables du Grand Albert et des Secrets merveilleux de la magie naturelle et cabalistique du Petit Albert, nous plonge dans un abîme de réflexion sur la crédulité des hommes du Moyen âge. Étude fouillée.

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L’homme s’est toujours targué de tout comprendre ! Enfin, certains hommes ! Un des plus beaux spécimens connus se nomme Albert le Grand, de son véritable nom Albrecht von Bollstädt. Alors, c’est qui ce bonhomme ? Et qu’est-ce qu’il a fait ?
Albert le Grand est né aux environs de 1 200. Même pas fichu d’avoir une date de naissance précise ! Et il est mort en 1 280 à Cologne. Bon, ben comme tout le monde, il est né, il est mort. Et après. Après ? Notre bonhomme a été dominicain, philosophe, théologien, naturaliste, physicien, chimiste, alchimiste, magicien. Il a même été évêque de Ratisbonne ! Sachez aussi que notre Albrecht a eu comme élève Saint Thomas d’Aquin. Pas n’importe qui, quand même ! Enfin, Albrecht a été canonisé en 1931 par Pie XI. Voilà le personnage !
Intéressons-nous maintenant à ses œuvres. Les chercheurs lui attribuent la rédaction du livre nommé « Les secrets admirables du Grand Albert ». Une encyclopédie générique des connaissances de l’époque. Il aurait peut-être été également à l’origine des « Secrets merveilleux du Petit Albert ». Un succès de librairie se double toujours d’une suite !
Découvrons quelques-uns de ces secrets merveilleux.

Physique
Commençons par la physique et par une expérience que chacun peut reproduire. Enfin, si vous y arrivez, car perso, je n’y suis pas parvenu ! Prenez une bouteille de Saint-Émilion. Versez-la dans une carafe à décanter. Ajouter un bon tiers d’eau. Votre vin est mouillé. Le Grand Albert nous dit comment séparer le vin de l’eau : « Si l’on jette une éponge dans du vin mouillé d’eau, quand on la retire et la presse il n’en sort que de l’eau, et le vin reste dans le vase. Si le vin est pur, on aura beau presser, il n’en sortira rien. » Pour ma part, chaque fois que j’ai tenté l’expérience, j’ai voulu m’imprégner des parfums et des saveurs du vin pour les mémoriser parfaitement afin de bien reconnaître l’eau qui sortait de l’éponge. Faudrait pas confondre ! Et je n’ai jamais eu le temps de mouiller le vin, la carafe était vide avant. Si un de nos lecteurs veut bien faire cette expérience pour moi et me tenir au courant…

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Recette de grand-mère
« Pour goûter un sommeil paisible et sans cauchemar, mettre du pourpier sur son lit. » Notons que le pourpier est par ailleurs conseillé comme « diurétique et pour guérir les muqueuses enflammées ». Alors, je suis allé avec ma serpette dans les champs récolter du pourpier. J’en ai mis sous le matelas, dans la couette, dans les poches de pyjama d’Anne. J’ai fait des salades de pourpier, des infusions de pourpier, des tisanes de pourpier… Anne dort toujours mal ! Conclusion, c’est comme l’éponge…

Recettes de bon sens
« Pour rendre sa femme fidèle, le mari doit enduire de miel le lit conjugal et saupoudrer le lit avec des cheveux de celle-ci qu’il aura fait brûler. » Question ! C’est pas un peu poisseux le miel pour dormir dedans ? Et la cendre de cheveux, ça gratte pas trop ? Ou alors, faut s’habituer ! Seule technique : ne pas changer les draps du lit pendant une bonne vingtaine d’années ! Mais alors, plus de problème ! Votre femme est devenue tellement vieille qu’elle ne songe plus à vous tromper ! Quant à vous, si le démon de midi vous prend c’est pas un souci, pour les hommes c’est pas pareil, c’est autorisé, le démon de midi. Votre femme n’a pas besoin de mettre du miel dans le lit.

Médecine
C’est ici que l’on trouve les recettes les plus fabuleuses ! « Le trognon de chou, brûlé avec sa racine et mêlé avec du vieux saindoux, guérit tous les points de côté. » Mais je vous dis pas l’haleine !
Ah ! les vertus de l’ortie ! « Qui tiendra cette herbe dans sa main, avec du mille-feuille, ne craindra pas les fantômes. »
« Après les complies, celui qui boit une soupe d’orties avec du suc de mandragore aura un cœur robuste et du sang fort. » Si j’avais su, j’aurais bouffé des orties sur le bord des chemins, ça aurait été plus digeste que de vouloir absolument essayer de les consommer crues par la racine !
La verveine. Ha ! la verveine ! Le pisse-mémé idéal ! Mais pas que… « en grec, hilioron – j’en suis hilare – en chaldéen, Olphanas (mais on s’en fout à un point !) – Cueillez cette plante quand le Soleil est dans le signe du Bélier. Mêlée à de la graine de pivoine d’un an, elle guérit du mal caduc. » Pour les ignorants, le mal caduc est le nom ancien de l’épilepsie. Ne riez pas à la lecture de ce remède, car au XIXe les médecins de la Salpêtrière ont trouvé beaucoup mieux : faire vivre les épileptiques dans une étable à vaches durant six mois près d’Orléans ! L’haleine des vaches a permis de nombreuses guérisons ! Comme quoi l’effet placebo, c’est pas d’aujourd’hui ! (Annales périodiques de la ville d’Orléans – No 625 – 27 décembre 1809)

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Développement de l’embryon
« Du moment de sa conception, l’Embryon, au sein de sa mère, met dix-huit jours à se former : c’est-à-dire que le visage se dessine, que les divers membres se détachant du corps acquièrent leurs dimensions proportionnelles, qui continuent à se développer par la suite. Or, les savants astronomes affirment que les puissances vitales de l’âme renfermée dans un corps lui viennent de l’influence des mondes supérieurs. En effet, le suprême Moteur, qui embrasse dans son mouvement quotidien toutes les sphères inférieures, communique à la matière la vertu d’exister et de se mouvoir. Le globe des Étoiles fixes inculque ainsi à l’Embryon le pouvoir de se distinguer suivant la forme qu’il doit réaliser. Ainsi : SATURNE donne à l’âme le discernement et la raison. JUPITER, la générosité et plusieurs autres nobles passions. MARS, la colère, la haine, etc. LE SOLEIL, la science, la mémoire et la joie. VÉNUS, les mouvements voluptueux. MERCURE, l’attrait du plaisir. LA LUNE enfin, source de toutes les vertus naturelles, fortifie dans l’âme les divers dons qu’elle a reçus des six autres Planètes. »
Notons combien notre évêque n’était pas l’ennemi de madame Irma, même s’il lui arrivait de temps à autre d’en faire brûler une sur un bûcher en l’accusant de sorcellerie ! Mais c’était juste pour amuser le bon peuple et lui rappeler « in fine » qu’il était préférable de ne pas pécher !

Des vertus des plantes
« La Verge à berger – (en latin Dipsacus pilosus ; en grec, Allomos ; en chaldéen, Loremberot). Détrempée avec du suc de Mandragore, et donnée à une chienne ou autre femelle, la rend pleine et lui fait faire un petit. » Enfin, voilà donc élucidé le secret des jeunes filles de nos campagnes tombées enceintes sans savoir comment : c’est qu’elles ont bu ce philtre destiné aux chiennes ! Pas d’autre explication ! Et pour savoir si une femme est enceinte, pas difficile : « Si, quand on lui fait boire, en se couchant, de l’eau miellée, – une obsession, le miel – elle ressent une légère piqûre au nombril, c’est un signe qu’elle est enceinte. »
Traité de physionomie
« Lorsqu’une personne qui est au repos, soit qu’elle parle, soit qu’elle soit assise, ou debout, sur ses pieds, remue les mains, les pieds, la tête, etc., sans nécessité, c’est une marque qu’elle est malpropre, indiscrète, médisante, vaine, inconstante, menteuse et peu fidèle. »
Moi, je veux pas cafter, mais des petits qui s’agitent dans tous les sens, comme ça, j’en ai déjà vu ! Et même à des postes de grand chef qui demandent calme et sérénité. Et même qu’Anne vous avait assez prévenus !

Recettes miracles
« L’eau distillée de pommes de pin toutes vertes oste les rides du visage en le rajeunissant. » Non, mais vous imaginez un instant la crédulité des gens de l’époque ! Comme si l’eau distillée de pommes de pin effaçait les rides comme nous, on le fait avec Photoshop. Dans la vraie vie, c’est comme si n’importe quelle entreprise vous vendait une pommade quelconque en vous affirmant que de la mettre sur votre visage diminuera vos rides de plus de 60 % ! Heureusement, de nos jours, les gens sont éduqués ! Et personne ne pourrait vous escroquer en racontant semblables conneries !
« Mettez en poudre de la graine de persil, poudrez-vous la tête pendant trois soirs différents, vous recommencerez chaque année, et vos cheveux ne tomberont jamais ! » Sacré Albrecht von Bollstädt ! Il nous fait bien marrer avec ses recettes ! Autant se mettre sur le crâne de l’extrait de racines de Maca en pâte ou en guimauve, ou encore de la poudre de Kapoor-Kachli ! (du gingembre sauvage pour les incultes.)
Autant me raconter que boire de l’eau de Mélisse, une infusion de Valériane ou une tisane de houblon ça va me guérir de mon arythmie et de mes troubles cardiaques ! Et puis le houblon, je l’aime mieux dans la bière (à boire, pas l’autre !)
Jean-Pierre