La tête dans le frigo !
J’écoute distraitement la radio tout en préparant le petit déjeuner. Il faut dire qu’il est un peu moins de sept heures en ce matin de février et que les brumes de la nuit enfument encore mon cerveau. C’est l’heure de l’horoscope. Horoscope ! Je tends une oreille tout en me disant que si ça ne me convient pas, je n’y croirais pas ! Gémeaux : « votre corps est une mécanique parfaitement huilé qui fait des merveilles ! »
Début de la cata
Comme je suis en short et en polo, je veux me précipiter sur le miroir de l’entrée pour admirer la mécanique bien huilée tout en quittant mon teeshirt ! Mais contournant trop rapidement le plan de travail de la cuisine, les bras en l’air tirant mon maillot, le regard obscurci par le tissu, je me prends les pieds dans ceux du tabouret de bar. Je tente bien de me rattraper au plan de travail, ne saisit qu’un set de table sur lequel sont déposés les bols et fais tout valser au sol dans un fracas épouvantable.
Ce loupé me déséquilibre davantage encore et me précipite la tête première vers les meubles de la cuisine. Juste le temps de me protéger le visage de la main gauche dont les doigts se glissent contre le caoutchouc d’étanchéité du frigo. Cette arrivée brutale m’escagasse les phalanges et ouvre violemment la porte du frigidaire ce qui me laisse davantage de champ pour préparer un atterrissage que je pressens difficile (l’instinct du pilote sans doute !)
Ça ne s’arrange pas
Lorsque mon crane heurte la première clayette, je baisse un peu plus la tête pour m’écraser le nez dans les oranges qui éclatent sous la pression et m’aspergent de leurs jus généreux. J’en ai plein la figure lorsque poursuivant ma glissade à l’intérieur de l’armoire réfrigérée, mes narines s’emplissent du reste de purée de la veille, certes une purée à tomber par terre mais par le nez c’est quand même moins digeste ! Je finis à genoux la tête contre la paroi du fond du frigo.
Faut que je sorte de là que je pense sinon je vais m’enrhumer.
Ça continue…
J’essaie de m’extraire de ma position inconfortable avec délicatesse mais, la délicatesse, c’est pas mon fort. Je me relève trop brutalement si bien que je fais basculer l’étagère supérieure sur laquelle nous avons l’habitude de placer les yaourts, la crème fraiche et les restes de sauce. C’est ainsi que je reçois dans le désordre un pot de crème fraiche presque neuf qui éclate sur mon occiput et me coule généreusement dans le dos, un reste de mayonnaise dans les oreilles, dix-sept yaourts, un bol de lait et une douzaine d’œufs dans les cheveux. (Les shampoings aux œufs, y’a rien de tel pour combattre la calvitie naissante !)
Je perds mon sang-froid, je lâche une bordée de jurons et me relève d’un coup oubliant premièrement que du yaourt s’est déversé sur le carrelage et que donc je patine allègrement dedans et deuxièmement que sur la clayette du haut nous avions rangé hier soir le récipient d’huile de la fondue bourguignonne afin d’en terminer les restes ce soir. Je patine tant que je tombe à la renverse !
L’apothéose
Je me retrouve donc allongé sur le sol moitié groggy presque totalement recouvert d’une huile certes fraiche mais riche des restes de cuisson des délicieux morceaux de rumsteck.
Pour moi qui ne croyais pas aux horoscopes, voilà la preuve par neuf que les astrologues voient l’avenir et ne se trompent pas : « mon corps est une mécanique parfaitement huilée qui fait des merveilles » ! il suffit de regarder l’état de la cuisine !
Pourtant mon esprit scientifique reprend rapidement le dessus : « combien de gémeaux se sont enfilés la tête dans le frigo aujourd’hui ? » Il faut absolument que je réponde à cette question avant de croire en la parole des astrologues…
Jean-Pierre